Surveillance de la thyroglobuline après lobectomie pour carcinome thyroïdien

Question du Dr Béatrice Grand (Chalon-sur-Saône):

Les recommandations sont de surveiller la thyroglobuline sous lévothyroxine chez les patients ayant bénéficié d’une lobectomie pour carcinome thyroïdien. Comment faut-il interpréter les résultats?

« Une patiente de 43 ans a bénéficié d’une thyroïdectomie subtotale (lobe droit + moitié du lobe gauche)  en avril 2009, devant un nodule ayant augmenté de volume. L’anapath a montré un microcarcinome papillaire encapsulé d’architecture vésiculaire mesurant 5mm (pT1). La patiente n’a donc pas bénéficié de traitement adjuvant.
La thyroglobuline, sous lévothyroxine (TSH à 0.86 mU/l) est à 11,4 µg/l en mars 2010 (Ac négatifs) et 113,4 en avril 2011 (Ac négatifs).
L’échographie thyroïdienne retrouve, en 2010 comme en 2011, une loge de thyroïdectomie droite vide, et un lobe gauche de 36x19x17mm, renfermant un nodule de 9.5mm, non vascularisé, entouré d’un liseré périphérique, refermant quelques calcifications fines. Ce nodule était connu avant l’intervention et est stable en volume et d’aspect depuis mai 2007.
Comment interpréter la thyroglobuline alors que la thyroïdectomie n’a pas été totale ? Faut-il proposer une totalisation à la patiente ? « 

Réponse du Pr Patrice Rodien:

On recommande effectivemment de surveiller la Tg dans ce contexte, sans avoir de seuil bien défini puisque la persistance de tissu thyroïdien et une TSH non freinée impliquent une TG mesurable, dépendant de la quantité de tissu et de la valeur de TSH.
Ce qui est génant ici, c’est la progression de la Tg, alors que le tissu thyroïdien (lobe restant) n’est pas très volumineux et qu’il est stable, si l’on est resté au même niveau de TSH que l’année passée. Dans un premier temps, il faudrait vérifier la Tg et les anticorps anti-Tg ( a-t-on changé de dosage ? s’assurer que l’on n’a pas éliminé une interférence par les Acs en changeant de dosage).
Après cela,  2 attitudes sont possibles, totalement empiriques et sans démonstration par les preuves:
1 – Freiner la TSH et voir à quel niveau se situe alors la Tg: en fonction du niveau de Tg obtenu, on pourra soit être rassuré si la Tg est freinée, soit, si la TG reste mesurable avec une TSH effondrée, discuter d’une totalisation.
2 – Totaliser d’emblée
 
Dans les 2 cas, il faut, je crois, faire une ponction échoguidée du petit nodule car:
– si l’on ne totalise pas, il est souhaitable de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un 2ème cancer, éventuellement en cours de dissémination
– si l’on totalise, il est intéressant de savoir avant l’intervention que c’est un cancer pour décider d’un curage ganglionaire et de son étendue.
 
Ma préférence irait à une totalisation d’emblée (aux réserves près de l’évolution de la TSH qui ne nous est pas donnée). On peut ensuite faire facilement une dose d’iode 131 ablative (éventuellement seulement 30 mCI) qui permet de clore l’histoire si l’on a péché par excès, et de savoir rapidemment s’il y a une évolution dans le cas contraire.

Pr Patrice Rodien – Service d’Endocrinologie & Centre de référence des maladies de la réceptivité hormonale – CHU d’Angers

© SFE – Mai 2011