DT1 Hémochromatose et hypogonadisme

Question du Dr Christophe Ogor (29123 Pont-l’Abbé)

J‘aimerai votre avis concernant un patient de 36 ans diabétique de type 1 depuis 1999 qui a aussi une hémochromatose, Le diabète est bien équilibré, Il a bénéficié de saignées à la découverte de l’hémochromatose en 2003 actuellement arrêtées car la ferritine est < à 300 ng/ml.

Ce patient, sportif, n’a aucune plainte ; l’examen clinique est normal sans signe d’hypogonadisme, sans diminution de libido.

La biologie récente retrouve une testostérone totale à 9 ng/ml mais une testo biodisponible basse à 0,68 ng/ml. Le contrôle retrouve une T à 10 ng/ml et une T biodisponible à 0,58 ng/ml. LH est à 6,4 UI/l et TEBG à 90 nmol/l. La TSH est normale.

Comment doit-on interpréter ces taux de T biodisponible abaissés? Faut-il considérer qu’il y a hypogonadisme hypogonadotrophique ? En rapport avec l’hémochromatose? Faut-il traiter?

Réponse Du Pr Jacques Young (CHU Bicêtre, APHP)

La dissociation entre la testosterone totale et la T biodisponible s’explique par l’élévation de la SHBG mais là je suis très étonné et sûr que la T biodisponible et fausse car  la dissociation est énorme.

D’une façon générale le dosage de testostérone biodisponible, qui est difficile (précipitation au sulfate d’ammonium)  n’est pas tout à fait validé contre une méthode de référence et de nombreux dosages sont mauvais , j’ai déjà remarqué des dissociation non pertinentes cliniquement, mais jamais à ce point là. Chez ce malade on ne dois pas tenir compte de la testo biodisponible.

la SHBG monte aux stades tardifs d’hémochromatose quand apparaît une fibrose hépatique qu’il faut chercher à dépister chez ce patient (fibroscanner ou fibrotest).

Réponse du Pr Jean Marc Rouen (CHU Caen)

La testostéronémie totale s’inscrit dans les limites de la normales de l’homme adulte alors que la fraction « biodisponible » de la testostérone est basse. La rapport testostérone plasmatique (nmol/l)/TeBG plasmatique (nmol/l) est égal à 0,38, chiffre également inférieur à la normale qui est >0,6. L’élévation de la fraction de la testostérone liée à la TeBG camouffle la baisse de la fraction biologiquement active. Il existe donc bien un hypogonadisme.

Il est vraisemblable que son mécanisme soit composite et lié aux impacts du diabète de type 1 d’une part (élévation du taux de TeBG) et de l’hémochromatose (déficit gonadotrope au moins partiel) d’autre part.

L’absence de symptomatologie fonctionnelle et de signe clinique objectif d’hypogonadisme et compte tenu du fait que celui-ci est d’intensité modérée sont des arguments pour ne pas proposer de traitement androgénique substitutif et pour n’exercer qu’une simple surveillance, se réservant l’option de la mise en route d’une androgénothérapie si, au cours de cette surveillance, l’hypogonadisme s’accentuait ou si des signes cliniques qui lui soient rattachables apparaissaient.

Néanmoins, avant de choisir cette attitude pratique de surveillance simple, il serait souhaitable d’avoir une évaluation de la densité minérale osseuse. L’existence d’un réel risque ostéoporotique inciterait, après en avoir exclu les contre indications, à initier dès maintenant une substitution androgénique qui aurait également l’intérêt potentiel d’améliorer la sensibilité tissulaire à l’insuline.